ENTREPRISES PUBLIQUES Le Conseil fédéral avait annoncé son intention de lutter contre les salaires excessifs. Entre 2021 et 2022, pourtant, les rémunérations des dirigeants ont pris l’ascenseur dans la plupart des ex-régies.
C’était l’une des exigences de l’initiative fédérale «En faveur du service public», lancée notamment par Bon à Savoir. Soumis au vote en 2016, le texte demandait que les dirigeants des entreprises appartenant entièrement, ou majoritairement, à la Confédération ne gagnent pas plus qu’un conseiller fédéral. Frais compris, le salaire se monterait à 504 576 fr. par an au maximum.
Promesses politiques non tenues
Avant la votation, le Conseil fédéral s’était voulu rassurant. Selon lui, un plafonnement des rémunérations n’était pas nécessaire. Les entreprises visées, comme La Poste, les CFF ou Swisscom, avaient combattu l’initiative par tous les moyens. Résultat: un «non» à près de 68% dans les urnes.
Plus tard, les conseillers nationaux ont aussi souhaité limiter les salaires de ces grands patrons, mais les sénateurs ont fait échouer le projet. Le Conseil fédéral avait alors promis, dans une prise de position, qu’il allait «contrôler» la rémunération des directions et «renforcer les possibilités de pilotage de la Confédération». L’objectif était de garantir des «salaires politiquement et socialement acceptables».
Le Conseil fédéral n’a pas tenu ses promesses: les rétributions des managers de Swisscom, des CFF, de La Poste, de PostFinance, de Ruag, de la Finma, de la Banque nationale et de la SSR (financée par la redevance) n’ont, pour la plupart, pas baissé. Au contraire: sur ces huit entreprises, six d’entre elles ont augmenté les salaires versés aux membres de la direction entre 2021 et 2022. Selon notre analyse des rapports d’activité, seuls les dirigeants de Ruag et de Swisscom ont vu leur rémunération diminuer.
Trois fois plus qu’un conseiller fédéral
La plus forte augmentation (+17%) a été enregistrée à la Banque nationale. Les huit membres de la direction générale ont encaissé 6 462 900 fr. en 2022, contre 5 545 700 fr. un an auparavant. Le salaire du numéro un de l’institution, Thomas Jordan, s’est élevé à plus de 1,3 million de francs.
Urs Schaeppi, l’ex-patron de Swisscom, détient la palme de la rétribution la plus élevée avec 1,8 million de francs engrangés en 2022. C’est trois fois plus qu’un conseiller fédéral. Il n’a pourtant été directeur du groupe que pendant cinq mois, cédant sa place à Christoph Aeschlimann, le 1er juin. Interpellé, Swisscom répond que Urs Schaeppi n’a pas reçu de «parachute doré». Il s’agit de la rémunération due pour toute l’année. En moyenne, chacun des six membres de la direction a perçu 1,3 million de francs. En avril 2023, Swisscom l’a élargie à neuf personnes.
Abonnements 1re classe pour la famille
Le CFF ont, eux aussi, sensiblement fait grimper les salaires de la direction. Selon eux, les montants ont changé car les cotisations aux assurances sociales sont désormais prises en compte dans le calcul. Si l’entreprise ferroviaire entend augmenter massivement les prix de billets en décembre prochain, rien ne changera pour les managers. Ils reçoivent, de même que tous les membres de leur famille, des abonnements généraux 1re classe d’une valeur de 6300 fr.
L’année dernière, le directeur général Vincent Ducrot a reçu un abonnement général annuel 1re classe pour lui et trois de ses enfants, et des sésames temporaires aussi pour sa femme et deux autres enfants. Coût total: plus de 18 000 fr. Dans le même temps, le salaire de Vincent Ducrot s’est élevé à un peu plus de un million de francs.
Contactées, ces entreprises indiquent qu’elles versent des rémunérations en adéquation avec le marché et qu’elles respectent l’Ordonnance sur le salaire des cadres de la Confédération. Swisscom explique notamment que la rétribution du directeur général se situe «dans le bas de la fourchette» en comparaison internationale.
Christian Gurtner / kg
Bon à Savoir 06-2023, Kevin Gertsch
Salaires des dirigeant·es des régies publiques sous la loupe
Le Conseil d’État genevois joue la transparence en révélant les salaires et indemnités en vigueur à la tête des grandes régies publiques.
Transparence
Combien gagnent les directeurs et directrices des grandes régies publiques? Le Conseil d’Etat genevois qui se réunissait mercredi en séance plénière hebdomadaire a rendu public son rapport annuel. A la suite de diverses polémiques sur la question de ces traitements et un audit interne, l’exécutif cantonal s’était engagé en 2020 à cet exercice de transparence.
Ce document intègre également les diverses indemnités perçues. Dans certains cas, elles sont modestes (téléphone mobile prise en charge de l’abonnement TPG et/ou contribution à l’abonnement CFF); dans d’autres – l’Aéroport notamment – le salaire est plus que gonflé. Dans ce cas, ce sont 167’000 francs qui viennent s’ajouter au salaire de base.
Dans l’ordre croissant
La grille des salaires des ces établissements autonomes s’égrène, dans l’ordre croissant, de la manière suivante: la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (203’000 francs par an), la Fondation pour la promotion du logement bon marché et l’habitat coopératif (206’000 francs), les Etablissements publics pour l’intégration (226’000 francs), la Fondation des parkings (235’000 francs), la Fondation pour les terrains industriels (243’000 francs), la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (252’000) francs, l’Office cantonal des assurances sociales (272’000 francs), l’Hospice général (274’000 francs), l’Institution genevoise de maintien à domicile (284’000 francs), l’université de Genève (296’000 francs), les Transports publics genevois (353’000 francs), les Services industriels (366’000 francs), l’Hôpital universitaire de Genève (381’000 francs), l’Aéroport international de Genève (489’000 francs).
A noter que ce rapport traite aussi des salaires des cadres de ces entreprises publiques, en donnant une moyenne de ceux-ci. Ce qui concerne jusqu’à onze personnes, selon l’établissement autonome concerné. Avec parfois des salaires plus que confortable: près de 300’000 francs par an à l’Aéroport ou 287’000 aux SIG.
Le Courrier, 14 juin 2023, Philippe Bach
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