Viola Amherd a 3 gros problèmes, la ministre de la Défense se bat sur plusieurs «fronts». Elle est sous pression de l’étranger à cause de la réexportation d’armes en Ukraine, et le mécontentement grandit également à l’intérieur du pays.
Le 13 décembre, l’heure de vérité sonnera deux fois pour Viola Amherd. Sa réélection au Conseil fédéral n’est guère menacée, car aucun des autres partis ne veut se mettre à dos Le Centre. Mais lors de l’élection à la présidence de la Confédération pour 2024, il pourrait y avoir un rappel à l’ordre. La Haut-Valaisanne n’a actuellement pas beaucoup d’amis à Berne.
Au sein du Conseil fédéral, la ministre de la Défense s’est engagée en vain à interpréter de manière flexible le droit de la neutralité, afin de permettre la transmission d’armes à l’Ukraine attaquée par la Russie. Apparemment, c’était aussi le cas pour la vente prévue des 96 chars Leopard 1, qui appartiennent au groupe d’armement Ruag, contrôlé par la Confédération.
L’un des problèmes de Ruag est son double rôle de groupe d’armement et d’atelier pour l’armée suisse.
Celui-ci est devenu un nouveau problème, avec le départ annoncé lundi de sa patronne, Brigitte Beck. C’est le conseil d’administration qui est compétent pour l’engager et la libérer. Mais Ruag appartient à 100% à la Confédération, et la responsabilité de cette affaire de personnel incombe donc aussi, du moins indirectement, à Viola Amherd.
La directrice de Ruag quitte l’entreprise après ses propos polémiques
Officiellement, Brigitte Beck quitte son poste de son plein gré. Le fait qu’elle ne connaisse pas le secteur de l’armement et qu’elle n’ait jamais occupé de poste de direction élevé lui a été fatal. Mais surtout, elle ne semblait pas avoir saisi la dimension politique de son travail, qui s’est accentuée avec la guerre contre Ukraine.
Mêmes lacunes dans sa relation aux médias. «Elle n’avait jamais donné d’interview», a raconté aux journaux de Tamedia le conseiller en communication Kaspar Loeb, qui l’avait aiguillée lors de ses débuts. En avril, elle a sauté le pas et décide de donner une interview à CH Media (dont watson fait partie), sans être visiblement prête pour l’exercice.
Cela a rapidement tourné au désastre. Selon CH Media, elle a critiqué sans détour la politique de neutralité du Conseil fédéral alors qu’elle était à la tête d’une entreprise fédérale. Comme le service de presse de Ruag voulait procéder à des modifications massives après coup, l’interview n’a pas été publiée. Mais Brigitte Beck n’en a pas tiré les leçons, bien au contraire.
Quelques jours seulement après l’esclandre, elle a lancé à des pays comme l’Allemagne et l’Espagne qui demandaient instamment de pouvoir livrer des armes produites en Suisse à l’Ukraine: «Livrez donc ces produits en Ukraine». Après tout, que pourrait faire Berne? Ces Etats devaient donc, selon elle, passer outre la position officielle de la Suisse. Certes, Beck n’a fait qu’exprimer ce que beaucoup pensaient, mais compte tenu de sa position exposée, une telle déclaration était explosive.
Le cas Ruag
L’erreur de casting pour le poste de chef n’est pas le seul problème de l’entreprise d’armement. Beaucoup critiquent la double casquette de la société. En tant qu’entreprise de droit privé, elle doit générer des bénéfices pour la Confédération (comme lors de la vente avortée du Léopard 1) tout en servant d’«atelier» pour l’armée suisse.
Ruag souhaite se développer, par exemple en créant un centre de compétences européen pour l’entretien et la réparation de l’avion de combat F-35 sur la base aérienne d’Emmen (LU). Mais quel pays de l’Otan veut miser sur un partenaire dont la disponibilité en cas d’urgence est limitée, voire inexistante, en raison de la position du Conseil fédéral sur la neutralité?
Le rôle hybride de Ruag en tant que groupe d’armement et atelier ne peut pas être dissous tant que le Conseil fédéral et le DDPS ne développent pas une stratégie rigoureuse concernant l’armement en Suisse.
Le cas neutralité
Pour Viola Amherd, le problème principal reste que le Conseil fédéral refuse de réinterpréter la neutralité. Il s’en tient à l’égalité de traitement des belligérants, alors que la Charte des Nations Unies fait clairement la distinction entre agresseur et victime. La loi sur le matériel de guerre, durcie par le Parlement, vient encore compliquer la situation.
Le Conseil fédéral a donc rejeté toutes les demandes de transfert de matériel de guerre suisse à l’Ukraine. Il en va de même pour la vente des chars Leopard 1, bien qu’ils n’aient jamais été sur le sol suisse et que le seul lien avec notre pays soit qu’ils appartiennent à Ruag. Le mécontentement est d’autant plus grand à l’étranger.
Aucun membre du gouvernement national ne le ressent aussi directement qu’Amherd. En mars, la ministre de la Défense a lancé devant la Société des officiers: «Aucun de mes homologues européens ne comprend que nous empêchions d’autres pays de fournir à l’Ukraine les armes et des munitions dont elle a un besoin urgent»
Amherd a qualifié sans détour la politique menée jusqu’à présent par le gouvernement de «pas utile», on lui a reproché de violer le principe de collégialité.
Il n’y a pas de solution simple. Le Parlement travaille à un assouplissement de la loi sur le matériel de guerre et tant que le Conseil fédéral s’en tiendra à une interprétation stricte du droit de la neutralité, rien ne sera possible. Mais dans ce cas, la langue bien pendue de la directrice de Ruag pourrait bientôt être le cadet des soucis de la Suisse.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)
Watson, 10.08.2023, Peter Blunschi
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