Retraites: le bras de fer reprend

En 2024, l’avenir de nos retraites sera à nouveau en jeu. Nous voterons sur la 13e rente AVS, sur le projet LPP 21 et sur l’augmentation générale de l’âge de la retraite. Préparons notre mobilisation dès maintenant !
Peu présent dans le débat électoral en cours, accaparé par les questions de l’inflation, la hausse des primes maladies ou du climat, le dossier des retraites risque de nous revenir à la figure l’an prochain – si nous ne remontons pas rapidement nos manches.

2024 marquera en effet l’entrée en vigueur de la réforme AVS 21, qui augmente l’âge de la retraite des femmes. Trois grosses votations simultanées sur les retraites auront lieu au cours de la même année. Et comme si cela ne suffisait pas, le Conseil fédéral vient d’adopter une réforme visant à supprimer la rente AVS pour les veuves ayant des enfants de plus de 25 ans. Et cela au nom de l’égalité, une fois de plus appliquée au rabais afin de permettre à la Confédération d’économiser 800 millions de francs sur notre dos. Une honte [1] !

OUI à 13e rente !

Commençons par le positif. Le 3 mars 2024, on votera sur l’initiative syndicale pour une 13e rente AVS. Lancée en mars 2020, en pleine pandémie, l’initiative a récolté plus de 137 000 signatures. Elle a été déposée en mai 2021. Une année plus tard, le Conseil fédéral l’a rejetée, arguant qu’il n’aurait pas la marge de manœuvre financière pour verser une 13e rente. Cette ritournelle mensongère, on nous la répètera sur tous les tons durant la campagne de votation. Pourtant, les finances de l’AVS vont bien. En 2021, la fortune du fonds AVS se montait à 49,6 milliards de francs [2]. Le résultat de répartition (avant prise en compte des recettes des placements du capital) était positif, avec un plus de 880 millions. Quant au résultat d’exploitation, il a clôturé sur un excédent de 2,6 milliards. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA), en 2020, nous payons 0,15% de cotisations AVS en plus, et les patrons en font autant. Cela fait une hausse totale de 0,3%, minime comparée à l’explosion des primes d’assurance maladie ! Selon l’Union syndicale suisse (USS), une hausse des cotisations de 0,35% suffirait à financer la 13e rente, qui permettrait d’augmenter de 8,3% le montant de la rente AVS annuelle. Le système de l’AVS est économique, solidaire et solide. Gagner l’initiative ne sera pas simple, mais c’est possible. À condition de nous mobiliser dès maintenant !

NON à LPP 21

Nous voterons en juin 2024 sur la réforme de la prévoyance professionnelle obligatoire (LPP 21). Vendue comme une réforme censée améliorer la situation des femmes, LPP 21 a pour objectif principal de réduire le taux de conversion, de 6,8% à 6%. Cette mesure se traduirait par une baisse des rentes de 12%. D’après la société de gestion VZ[3], les rentes versées par les caisses de pension ont baissé en moyenne de 40% depuis 2002. Durant la même période, la rente moyenne AVS a augmenté de 19%. Avec LPP 21, la baisse des rentes du 2e pilier va se poursuivre à la vitesse supérieure ! En revanche, les cotisations au 2e pilier vont exploser, en particulier pour les bas revenus, réduisant le salaire net. La baisse du seuil d’entrée et du montant de coordination, prévue par la réforme, élargira le cercle des salarié·e·s obligatoirement soumis·e·s à la LPP – mais sans aucune garantie sur le montant des rentes futures. En clair, on nous oblige à signer un chèque en blanc et à verser toujours plus de cotisations au 2e pilier, dont le capital est déjà supérieur à 1000 milliards de francs! Pour mettre un frein à la chute de nos rentes, il faut donc mettre en échec LPP 21: pas un seul franc de plus ne doit être versé au 2e pilier: toute cotisation supplémentaire doit renforcer le premier pilier, notamment en augmentant les rentes AVS !

NON à la hausse de l’âge de la retraite !

Lancée par les Jeunes libéraux-radicaux en 2019, l’initiative «Sauvons les rentes» a été déposée en juillet 2021. Elle sera soumise au vote en même temps que la 13e rente. Le Conseil fédéral rejette ce texte, dont l’objectif est d’augmenter par étapes l’âge de la retraite – d’abord en le fixant à 66 ans en 2032, puis en le liant à l’espérance de vie. L’âge légal du départ à la retraite passerait ainsi à 67 ans et 7 mois d’ici 2050. Le principal argument des Jeunes libéraux: « L’AVS est en faillite ». Rien de moins! Les bourgeois·e·s en herbe ne donnent aucun chiffre sur la situation financière actuelle (très bonne) de la principale assurance sociale du pays, mais annoncent un déficit fantaisiste de 12 milliards d’ici 2045. Dans le passé, ce discours de la peur a malheureusement prouvé une certaine efficacité. À nous de le contrer pour éviter une nouvelle augmentation de l’âge de la retraite !
AVS 21 : quels effets sur ma retraite ?

Le SSP publie un guide pratique

La contre-réforme AVS 21 a été acceptée en votation populaire le 25 septembre 2022, malgré notre opposition. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Le SSP a rédigé un petit guide pratique sur le sujet, intitulé: « AVS 21 : mes droits ».

Si vous êtes nées entre 1961 et 1969, vous êtes particulièrement concernées par cette réforme: l’augmentation de l’âge de la retraite entre en vigueur de manière échelonnée et les mesures transitoires – bonus ou conditions pour une retraite anticipée – s’appliquent de manière différenciée selon l’âge et le revenu. Le guide du SSP vous explique en détail les différentes mesures qui auront un impact sur votre future rente de retraite.

Si AVS 21 concerne particulièrement les femmes, certaines mesures toucheront l’ensemble des salarié·e·s – tant les femmes hors génération transitoire que les hommes. C’est notamment le cas de la retraite à temps partiel ou des nouvelles règles en matière d’ajournement de la rente. Ces mesures sont aussi présentées dans notre guide.

On peut télécharger cette brochure en cliquant sur ce lien, ou la commander en version papier à l’adresse suivante: central@ssp-vpod.ch

Les mauvais plans de Karin Keller-Sutter et Kaspar Villiger

« Pour l’AVS et l’AI, on a besoin de réformes politiques (…) Le Conseil fédéral a le mandat de présenter jusqu’en 2026 une nouvelle réforme de l’AVS, prévoyant des allègements (…) On ne pourra pas éviter une discussion sur un âge de la retraite plus élevé ».

Dans une interview accordée au quotidien alémanique proche des milieux financiers, la Neue Zürcher Zeitung, sur le thème des finances fédérales, la conseillère fédérale (PLR) Karin Keller-Sutter (KKS) esquisse ses plans pour le futur de nos principales assurances sociales[4]. Le cap est fixé: économiser au maximum.

Pour la magistrate libérale-radicale, le pays se trouverait en effet à « un tournant » exigeant de couper tous azimuts dans les dépenses fédérales. Dans cet objectif, KKS a concocté un projet de « réforme du régime des rentes de survivant-e-s de l’AVS » qui économisera 800 millions de francs sur le dos des rentes de veuves.

Interrogé aux côtés de KKS, l’ex-conseiller fédéral Kaspar Villiger (de 1989 à 2003, pour le parti radical-démocratique) se prononce quant à lui en faveur d’une « règle fiscale » pour les assurances sociales – un vieux projet des milieux bourgeois, qui permettrait de couper automatiquement dans les prestations de l’AVS et de l’assurance invalidité, sans passer par une votation population. « En tant que citoyen, je constate que la discipline financière s’est relâchée (…) Durant le Covid, on a assisté à une soudaine pluie d’argent d’un jour à l’autre », justifie M. Villiger.

Cette vision catastrophiste de l’état des finances fédérales est pourtant loin de la réalité. Selon le professeur d’économie Cédric Tille, ancien membre du conseil de la BNS, les comptes de la Confédération sont si favorables que cette dernière pourrait dépenser 1,5 milliard de francs de plus par an tout en maintenant le même niveau d’endettement – un des plus bas au monde[5].

Les chantres de l’austérité savent d’ailleurs faire preuve de souplesse avec les deniers de l’Etat. En mars dernier, KKS a ainsi accordé une garantie de 109 milliards de francs afin de faciliter le rachat de Credit Suisse par UBS – un géant bancaire dont le conseil d’administration a été présidé, de 2009 à 2012, par un certain Kaspar Villiger.

[1] Lire aussi Services Publics, N° 9, 18 août 2023.

[2] OFAS: Statistique des assurances sociales, 2022.

[3] VZ-News, septembre 2023.

[4] NZZ, 25 septembre 2023.

[5] NZZ am Sonntag, 8 octobre 2023.

SSP, Services publics, 21 octobre 2023de: Michela Bovolenta, secrétaire centrale SSP

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