Egalité: ce qui devrait changer en 2024

Révision du droit pénal, statistiques genrées, formation à la violence de genre ou encore égalité salariale: comment la Suisse progresse peu à peu sur la voie de l’égalité.
Même si l’égalité entre hommes et femmes n’est toujours pas réalisée en Suisse, un certain nombre de progrès sont visibles. Liste non exhaustive de différentes nouveautés qui entreront en vigueur en 2024.

Au rang des acquis les plus spectaculaires, il faut citer la révision du droit pénal en matière sexuelle et en particulier, la refonte de la définition du viol, adoptée par le parlement en juin 2023. Fruit d’une belle mobilisation d’élues et d’associations, la nouvelle définition établit que toute forme de pénétration non consentie doit être considérée comme un viol, qu’elle touche un homme ou une femme. Et que quiconque agit contre la volonté (exprimée par mots ou par gestes) de la victime, même sans contrainte, sera puni pour viol ou atteinte sexuelle.

Si l’expression du refus reste donc primordial (contre l’avis de la gauche et des associations féministes qui défendait la position du «seul un oui est un oui»), l’état de sidération sera désormais pris en compte. Le changement entrera en vigueur en juillet de cette année, le temps pour les cantons de se préparer au changement, notamment en formant leurs autorités. A noter que le fait de retirer discrètement son préservatif (ou stealthing) à l’insu du partenaire, lors de rapports sexuels consentis sera également réprimé par la loi.

Collectes genrées

Un peu plus tôt en 2023, le parlement décidait aussi que les produits d’hygiène menstruelle, comme les tampons ou les serviettes hygiéniques, seraient à l’avenir considérés comme des biens de première nécessité et donc taxés au taux réduit de TVA (2,5% au lieu de 7,7%). Ce changement-là n’entrera en vigueur qu’en 2025.

Pour que des mesures, législatives notamment, puissent être prises, l’administration et les responsables politiques ont besoin de données fiables qui intègrent la dimension du genre. En matière de gender data gap, la Suisse a un retard à rattraper. Et dans un monde de plus en plus régi par les ‘big data’, le manque de données liées aux femmes, qu’il s’agisse de médecine ou d’aménagement du territoire, par exemple, doit être corrigé. Grâce à plusieurs motions politiques, notamment celle de la socialiste bâloise Eva Herzog, en 2021, les progrès dans la collecte de données ventilées par le sexe devraient s’accélérer en 2024 par la publication d’un rapport sur les effets de genre dans les principales études de la Confédération.

Former le droit

Quand les chiffres existent, ils sont bien souvent difficiles à repérer et à décrypter, en matière de violence, par exemple. L’Office fédéral de la statistique (OFS) a créé sur son site une nouvelle page réunissant les différentes données qui concernent la violence sexualisée, notamment l’implication des mineur·es. Cette nouveauté améliore la lisibilité des bases statistiques sur la violence sexualisée. Elle a été demandée à plusieurs reprises par les associations et des politiques et est requise par la Convention d’Istanbul, ratifiée par la Suisse en 2017. Dans cette nouvelle section, l’OFS rappelle que la violence domestique implique une atteinte intentionnelle à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle et comprend entre autres les aspects d’exploitation de la dépendance, d’exercice du pouvoir et de domination. Selon l’office, il n’est pas prévu en revanche de demander de nouvelles données à la police.

Les progrès restent néanmoins tributaires du bon vouloir politique pour ce qui concerne leur financement

Parmi les demandes formulées en 2022 à l’égard de la Suisse par le GREVIO – groupe indépendant d’expertes et experts chargé de veiller à la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul – figure la formation des professionnel·les aux enjeux des violences liées au genre. En particulier dans les professions du droit. En novembre dernier, le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG), dont la tâche est de promouvoir l’égalité des sexes dans tous les domaines, a établi les standards minimaux de compétences requises. Les recommandations s’adressent aux responsables de la formation dans les facultés de droit ainsi qu’aux personnes travaillant dans les ministères publics pour adultes et mineurs ou dans les tribunaux. Elles doivent permettre de concevoir des cours de formation adéquats.

Si l’égalité de droit des personnes LGBTI a progressé l’an dernier avec la simplification de la procédure de changement de sexe à l’état civil ou, précédemment, avec l’adoption du mariage pour tous·tes et l’extension de la norme pénale contre le racisme, des discriminations subsistent. Au niveau de l’administration fédérale, aucun département n’est spécifiquement chargé de veiller à la promotion de cette égalité. Là encore, plusieurs interventions parlementaires ont été nécessaires pour susciter un changement. Les questions LGBTIQ+ seront désormais rattachées au BFEG. Un plan d’action national contre les crimes de haine anti-LGBTI devrait notamment être élaboré.

Seuil trop tolérant

En Suisse, l’égalité salariale n’est toujours pas acquise. Pour vérifier celle-ci, la Confédération met à disposition des entreprises deux outils Logib, le premier destiné aux organisations employant 50 personnes, le second destiné aux plus petites structures. Un examen approfondi mené en 2022 et 2023 a permis de montrer les limites du seuil de tolérance (établi à +/- 5%). Pour éviter que certaines infractions n’échappent à la détection, ce seuil sera abaissé en 2024 pour le premier module. Il est question de le réduire de moitié.

Les discriminations reculent donc peu à peu, notamment grâce à la Stratégie Egalité 2030 adoptée en 2021 (la première du genre). Les progrès restent néanmoins tributaires du bon vouloir politique pour ce qui concerne leur financement. Le Conseil fédéral le rappelait fin novembre dernier. A l’heure de fixer les grandes lignes du plan financier de la prochaine législature (2025-2027), sa grande argentière Karin Keller Sutter a d’emblée prévenu que plusieurs départements fédéraux allaient devoir «redimensionner ou remettre à plus tard» des campagnes et mesures de prévention, notamment dans le domaine de l’égalité.

Le Courrier, 14 janvier 2024, Dominique Hartmann

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