Primes: un revers pour la gauche

Le peuple suisse dit non à l’allègement des primes à 10 % du revenu, malgré un grand oui des cantons romands. Pour Pierre-Yves Maillard, la différence de succès avec la treizième rente montre que le peuple est attaché aux «mesures universelles», qui touchent toute la population.

L’ambiance était lourde ce 9 juin au stamm du PS, au moment des premières tendances. Devant les ordinateurs, les visages sont crispés. Aucun suspense, l’échec est certain. Malgré un plébiscite dans tous les cantons romands et au Tessin, l’initiative pour un allègement des primes est finalement refusée avec 55,47% des voix. Outre-Sarine, seul le canton de Bâle-Ville l’a acceptée. Avec un taux de participation de 45%, la mobilisation a été bien moindre que pour la treizième rente (58.3% ).

Röstigraben important

Pour le parti à la rose à l’origine de l’initiative, le résultat est celui d’une «campagne de la peur» menée par la droite, qui a joué sur l’incertitude du financement et sur la crainte que les Alémaniques paient pour les Romands. «Dans les cantons qui ont les primes les plus basses, l’argument a porté», constate le conseiller national Pierre-Yves Maillard. Les refus les plus forts sont à trouver à Appenzell Rhodes-Intérieures (80%), Obwald (76%) et Schwytz (72%). Alors que l’immense majorité des communes a dit oui à l’initiative en Suisse romande, elles sont très rares outre-Sarine à l’avoir plébiscitée. Zurich l’accepte de justesse avec 50,2 %.

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En Suisse romande, le Jura a été le plus enthousiaste, avec un plébiscite de près de 72%, suivi par Neuchâtel. Les Vaudois ont été convaincus à 60% d’élargir à toute la Suisse l’allégement des primes qu’ils connaissent déjà, dans une proportion presque égale à Genève. «La Suisse romande a un grand canton qui connaît déjà le système de plafonnement, elle a eu moins peur qu’il soit expérimental», analyse Cédric Wermuth (AG), coprésident du parti.

Pour la vice-présidente du parti Valérie Piller Carrard (FR), le signal est clair dans les cantons romands. Elle demande que Fribourg (55% de oui) et Neuchâtel (69% de oui) avancent sur les initiatives cantonales qui ont été déposées pour plafonner les primes à 10%. «La population attend des réponses pour renforcer son pouvoir d’achat. Le soutien populaire au plafonnement des primes doit inciter les partis bourgeois à soutenir ces initiatives cantonales», avertit-elle

Le financement, maillon faible

A l’heure de l’autocritique, le PS relève que l’initiative n’était peut-être pas assez claire. «Dans le texte, nous avons voulu axer sur le plafonnement, en laissant le soin au parlement de décider du financement. C’était peut-être une erreur. Une partie de la population ne s’est pas sentie rassurée», avance Valérie Piller Carrard.

Le conseiller aux Etats Baptiste Hurni (NE) relève pour sa part que l’initiative ne définissait ni le type de primes concernées par le plafonnement, ni le revenu disponible, ce qui a pu refroidir une partie de l’électorat. «Contrairement à la treizième rente qui touchait tout le monde, il restait difficile de savoir qui était exactement concerné», constate-t-il. Il prédit pourtant que le vent tournera bientôt, quand les cantons alémaniques seront également touchés par la pression insoutenable des primes. «Je suis persuadé qu’un tel texte passe d’ici quatre ou cinq ans. Aujourd’hui, les opposants sabrent le champagne. Mais celui-ci deviendra aigre à l’automne, au moment de l’annonce des primes», tacle-t-il.

La gauche est-elle partie trop confiante, après le plébiscite de la treizième rente? La campagne était moins visible et certains reconnaissent que la thématique a moins mobilisé les militants du parti. Pour Pierre-Yves Maillard, la différence de succès avec la treizième rente montre que le peuple est attaché aux «mesures universelles», qui touchent toute la population. Mais le PS est optimiste et rappelle qu’il est très rare qu’une initiative passe du premier coup. La gauche a échoué plusieurs fois dans ses tentatives d’amélioration de l’AVS avant la victoire sur la treizième rente. «Les progrès sociaux se construisent pas à pas. Pour les primes, nous allons remettre l’ouvrage sur le métier», affirme Baptiste Hurni.

Prochaine étape, la caisse publique

Les initiants repartent avec un lot de consolation. Le contre-projet prévoit que les cantons fixent chacun un plafond en fonction du revenu, dans les trois ans. «Les cantons qui ont dit oui ce dimanche pourront donc appliquer un plafond à 10%», pointe Pierre-Yves Maillard. Reste que la charge financière leur reviendra entièrement. La conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider relève que les résultats du jour signifient un «oui aux améliorations proposées dans le contre-projet» et donc à une augmentation des contributions des cantons.

La bataille continue en parallèle au Parlement, pour tenter de trouver des compromis sur les coûts. Le deuxième volet de mesures de maîtrise des coûts doit être discuté cette semaine. «La commission du Conseil des Etats a accepté des propositions concrètes, visant notamment à empêcher les médecins de facturer 26 heures de travail par jour», souligne Pierre-Yves Maillard.

Le PS a déjà sa prochaine initiative en tête: la caisse maladie publique. Le congrès du PS a adopté une résolution en ce sens l’année dernière et y a également intégré le principe d’un plafonnement des primes à 10 % du revenu. Le contenu exact de l’initiative sera encore sujet à nombre de débats. «Nous avons besoin d’un bon texte soutenu par toutes les forces progressistes, y compris les associations de consommateurs, de patients, et, pourquoi pas, par les médecins», conclut Baptiste Hurni. Le parti espère la lancer début 2025.

Le Courrier, 9 juin 2024, Sophie Dupont

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