La dérive droitière n’est pas une fatalité

La défaite était annoncée – outre le refus de la gauche, le camp patronal était fracturé sur la question –, mais le résultat est tout de même sévère: 67,1% de non. La réforme de la prévoyance professionnelle, la refonte du deuxième pilier, a bu la tasse. Il est vrai que les référendaires ont su ramener l’objet, extrêmement technique, à sa substantifique moelle: «Payer plus, toucher moins», LPP 21 ne vendait pas du rêve.

Premier enseignement: c’est surtout une posture arrogante et jusqu’au-boutiste d’un tandem réactionnaire – l’Union démocratique du centre et le Parti libéral-radical – qui explique cette déroute. Les partenaires sociaux avaient trouvé un terrain d’entente, tout a été détricoté par des député·es ivres de néolibéralisme et ayant perdu tout sens des proportions, voire des réalités.

Deuxième leçon: lorsque la gauche se concentre sur ses fondamentaux et répond aux problèmes de fin de mois de sa base, elle est en mesure de l’emporter. LPP21 vient en prolongement de la 13e rente AVS, un objet qui, lui non plus, n’était pas gagné d’avance.

Élément supplémentaire dans l’équation politique: l’exécutif fédéral charge la barque. Les coupes claires annoncées vendredi dans le social, l’aide au développement ou la prévoyance sociale en sont l’illustration. De lieu où se forge le consensus et de collège modérateur par rapport aux emportements de telle ou telle partie du parlement, il s’est transformé en laquais des pouvoirs de l’argent, prêt à sacrifier le bien commun au profit du moins d’impôts, tout en cherchant à engraisser quelques vaches sacrées du bloc bourgeois comme l’armée. Cette dérive réactionnaire – couper l’aide à la presse, comme il l’a fait vendredi, en plein naufrage des journaux – traduit aussi un certain mépris de la transparence démocratique et du droit de savoir si fondamental dans un État de droit.

Cela ne passe pas inaperçu. Si les forces politiques progressistes tiennent bon et se montrent en alternative crédible à ce triste spectacle, elles peuvent tout à fait remonter le courant et mettre fin à l’hégémonie bourgeoise qui empoisonne la vie quotidienne des Suissesses et des Suisses. La dérive droitière de la Suisse n’est pas une fatalité.

Le Courrier, 22 septembre 2024, Philippe Bach

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