Cette réforme repose sur l’illusion d’un «ruissellement» fiscal. Cette idée, pourtant jamais confirmée, selon laquelle des baisses d’impôts pour les plus aisé·es finiraient par bénéficier à l’ensemble de la société.
C’est une manie très bourgeoise de considérer ce qui n’est pas fait librement comme étant systématiquement mauvais. La phobie de l’impôt en est sans doute le plus illustre exemple. Et c’est peu dire que la droite, depuis qu’elle est à nouveau majoritaire au gouvernement genevois, cherche par tous les moyens à se défaire de cette ordalie. On pense à la réforme des estimations fiscales des immeubles votée en juin 2023, la baisse de l’impôt sur les véhicules rejetée en mars dernier et celle dite «sur l’outil de travail», également balayée par le peuple il y a un mois.
La prochaine offensive concerne l’impôt sur le revenu, dont la baisse est soumise au scrutin le 24 novembre. Présentée comme une solution pour redonner du pouvoir d’achat à la population, elle n’est en réalité qu’un cadeau mal déguisé aux plus riches. Et une attaque en règle contre les fondements mêmes d’une société solidaire. Car derrière l’illusion d’un allégement pour toutes et tous, c’est en fait un renforcement des inégalités qui s’opèrerait.
Pour le voir, il suffit d’éplucher les chiffres. D’un côté, les plus modestes verraient leur impôt diminuer de 8,8% en moyenne. De l’autre, les revenus les plus élevés bénéficieraient d’une baisse qui, bien que moins spectaculaire en pourcentage (5,3%), se traduirait en chiffres absolus par des montants bien plus conséquents. Ainsi, les foyers aisés s’en tireraient avec des milliers de francs supplémentaires en poche, tandis que les ménages aux revenus modestes grappilleraient à peine de quoi compenser la hausse des primes d’assurance maladie.
Cette réforme, comme celles qui l’ont précédées, repose sur l’illusion d’un «ruissellement» fiscal. Dans les faits, cette idée selon laquelle des baisses d’impôts pour les plus aisé·es finiraient par bénéficier à l’ensemble de la société n’est pourtant jamais confirmée. Quand les riches s’enrichissent, ils et elles n’investissent pas davantage dans l’économie locale ou dans des projets sociaux; ils épargnent, thésaurisent ou déplacent leurs avoirs ailleurs.
Un joli festin dont la note retombe systématiquement sur les plus modestes. En l’occurrence, cette baisse d’impôt générerait un manque à gagner de 326 millions de francs pour le canton et de 108 millions pour les communes. Autant d’argent en moins pour les services publics essentiels, à savoir la santé, l’éducation, le logement, les infrastructures. Tout ce qui, pour le coup, affranchit véritablement les individus de la guerre du «tous contre tous» et permet l’avènement d’une société, dans le sens le plus fondamental du terme.
Le Courrier, 24 octobre 2024 , Louis Viladent
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