Réhabiliter les voies ferrées oubliées

Au moment où la mobilité régionale fait débat, René Longet prône la réhabilitation de la «ligne du Tonkin», d’Evian à St-Gingolph, qui permettrait de boucler la boucle du Léman et d’éviter que tous les trains de Genève au Valais passent obligatoirement par Lausanne. Un investissement qui, selon l’expert en durabilité, s’inscrit dans la suite logique du réseau Léman Express.

Le débat démarre fort sur les projets autoroutiers soumis au vote populaire du 24 novembre prochain. En parallèle se dessine aussi un programme important de travaux pour le rail, notamment sur la liaison Genève-Lausanne, y compris les travaux de longue durée prévus pour augmenter les capacités des gares des deux métropoles lémaniques. Mais ces milliards qui vont être investis sur cet axe sont-ils la seule réponse à l’engorgement des routes et du rail?

Comme pour toute chose, la base de la réflexion devrait être la clause du besoin: pourquoi, sur tout le continent, cette concentration des populations qui vide les campagnes et remplit les villes? Pourquoi se déplacer toujours plus, toujours plus loin? Ne doit-on pas promouvoir maintenant la ville des courtes distances? Et pourquoi toujours prendre la voiture individuelle comme standard principal – et pas la mobilité douce, le covoiturage et les transports publics?

Cela dit, dans la région lémanique, vu la densité de population et d’activités, il y aura toujours d’importants flux tant pour le travail que pour d’autres motifs (familiaux, formation, loisirs…). La place du rail est alors la question clé. En effet, à partir d’un certain volume de déplacements, le rail est par unité transportée pratiquement sur tous les points nettement plus rationnel et au meilleur potentiel d’attractivité. Et même si le moteur de la voiture électrique est trois fois plus efficient en termes de consommation d’énergie que celui à explosion, le train est encore deux fois meilleur, outre d’autres avantages (encombrement, sécurité, convivialité, temps gagné, etc.).

Le rail donc. Le rail dans les villes, avec le retour du tram à Lausanne (supprimé en 1964 pour être à jour pour l’expo nationale, disait-on d’alors) et son développement dans le Grand Genève. Le rail dans les relations régionales. A ce sujet, la fixation sur le nord Léman interpelle. On dirait que les planificateurs des grands travaux ont complètement oublié qu’il existe toujours un lien ferroviaire par le sud Léman. Certes, celui-ci ne tient qu’à un fil: une paire de rails rouillés entre Evian et St-Gingolph, inutilisés depuis un quart de siècle, mais entretenus de manière minimale en vue, espérons-le, de jours meilleurs.

Qu’attend-on pour que RegionAlps et Léman Express s’y retrouvent? Qu’attend-on pour réhabiliter ces 18 petits kilomètres qui permettraient de lutter contre les bouchons récurrents entre Thonon et St-Gingolph et d’offrir à toute personne amenée à circuler dans ce secteur une alternative fluide et agréable? Une telle liaison fonctionnelle permettrait de développer les liaisons directes entre Genève et le Valais, et de décharger d’autant les voies du nord du lac. Il est tout de même étrange que, pour aller d’Annemasse à St-Maurice par le RegioExpress, il faille obligatoirement passer par Lausanne… même si on n’a rien de particulier à y faire.

Il en coûterait 300 millions de francs, 16 millions le kilomètre, pour avoir une liaison fonctionnelle, électrifiée… Mais attention, il n’y a pas de place sur la côte sud pour une autoroute et un chemin de fer, alors l’inaction pour sauver le rail offrira-t-elle sur un plateau cette plateforme ferroviaire séculaire au lobby des routes et des camions?

La même question se pose dans le pays de Gex, autrefois desservi par la ligne Bellegarde-Divonne-Nyon, qui a été fermée en trois temps. D’abord en 1962 entre Nyon et Divonne pour faciliter le passage de l’autoroute Genève-Lausanne (!); puis en 1995/1998 entre Divonne et Chevry; enfin en 2014 entre Chevry et Bellegarde, la desserte voyageurs ayant cessé en 1980 déjà. Sauf entre Eysins (VD) et Divonne/Gex, le tracé voire les rails sont encore là. Idéal pour irriguer ce secteur en fort développement et organiser à partir des principales gares des liaisons par bus en direction de Genève.

La balle est dans le camp de nos élu·es genevois·es car, tant pour le pays de Gex que pour la rive sud du Léman, la facture doit être équitablement répartie entre les territoires concernés. Alors saisissons notre chance, mettons-nous autour de la table et cofinançons ce qui est dans notre intérêt bien compris…

Le Courrier, 24 octobre 2024, René Longet, Ancien élu, expert en durabilité.

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